L'IMPLANTATION COCHLEAIRE

Otologie et Chirugie Microscopique de la Base du Crâne

Nous vivons dans un monde sonore ou le bruit est partout autour de nous. Il est pour autant difficile de vivre dans le silence…..
Il y a en permanence autour de nous des sons : le son de la parole ou le bruit des voitures, la sonnette de la porte, bébé qui pleure…
L’implant cochléaire tente de rendre cela.

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L’OREILLE (figure 1)

L’oreille est faite de deux parties :

 FIGURE 1Figure 1

Une partie extérieure constituée du pavillon et du conduit auditif.
Une partie à l’intérieur de la tête constituée de la caisse du tympan (oreille moyenne) et de la cochlée (oreille interne).

FIGURE 2

Figure 2 :(1) les ondes sonores passent dans le conduit auditif, viennent heurter le tympan. (2) les ondes sonores font vibrer le tympan et les 3 osselets dans l’oreille moyenne (3) les vibrations sont transmises aux fluides de l’oreille interne, la cochlée, et font vibrer les cellules ciliées (4) le mouvement des cellules cillées produit des impulsions nerveuses, lesquelles sont envoyées via le nerf auditif au cerveau, où elles sont interprétées comme un son.

Seule la partie extérieure de l’oreille est visible.
1. Les sons se déplacent mais nous ne pouvons pas les voir. Ils se déplacent comme le vent. Ils se déplacent en ondes sonores. La partie extérieure de l’oreille capte les ondes sonores. Les ondes passent dans le conduit auditif et se dirigent vers la partie intérieure de l’oreille.
2. Le bout du conduit auditif est fermé par le tympan. C’est une membrane ronde tendue qui sépare le conduit de la caisse du tympan. Les ondes sonores font vibrer le tympan. Dans la caisse du tympan se trouvent les plus petits os du corps. Ils sont rattachés au tympan, vibrent eux aussi et aident les sons à se déplacer jusqu’ à la cochlée.
3. La cochlée (escargot en grec) a la forme d’un colimaçon. Elle possède trois canaux à l’intérieur, mais c’est le canal du milieu qui nous intéresse.
Voici une image du canal du milieu (Figure 3) appelé canal cochléaire. On peut y voir un grand nombre de cellules ciliées (il y en a 25000 environ). Ces cellules transforment l’onde sonore en petits courants électriques qui pourront ensuite passer dans le nerf auditif.

 FIGURE 3Figure 3 : (3) canal cochléaire, (4) nerf auditif.

Le nerf auditif (figure 4) reçoit les messages électriques de l’onde sonore. Il les transmet au cerveau. Le cerveau signale qu’il a entendu du son et donne une signification à ce qui est entendu.

FIGURE 4Figure 4 : (3) : coupe de la cochlée (4) nerf auditif

Essayons d’imaginer la cochlée faite comme un clavier de piano, avec des notes graves et des notes aiguës. Les cellules ciliées rangées dans la cochlée comme des touches de piano jouent des notes différentes et les transmettent au nerf auditif.
Entendre différents mots, c’est donc entendre différents groupes de notes les uns à la suite des autres. Si les cellules ciliées fonctionnent bien, on peut donc comprendre.

Les personnes atteintes de surdité profonde ou totale ont en général un problème de cochlée lorsque ces cellules ciliées sont absentes ou très abimées. Ceci peut être la conséquence d’une maladie, d’une blessure ou d’un problème existant à la naissance. Dans ces cas, l’onde sonore ne peut être transmise au nerf auditif. Des prothèses auditives ou encore un implant cochléaire peuvent alors être proposés.

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L’IMPLANT COCHLÉAIRE

L’implant cochléaire se compose de deux parties.

FIGURE 5Figure 5

Les parties externes (processeur) qui captent le son et le transmettent aux parties internes.
Les parties internes (implant) sont posées dans la cochlée au cours d’une intervention chirurgicale. Il y a deux parties internes (Figure 6) :
Le décodeur placé sous la peau.
Les électrodes réunies sur un porte-électrodes placé dans la cochlée.

FIGURE 6Figure 6 : Implant ; (1) Décodeur ; (2) Porte électrode

Ces parties reçoivent le code donné par le transmetteur et l’envoie au nerf auditif.
Observez le schéma :

FIGURE 7

Le micro capte les sons (A) et les transmet au processeur vocal (ordinateur miniaturisé).
Le processeur vocal porte une attention particulière aux sons de la parole, de la voix. Il transforme les ondes sonores en code spécifique.
– Le code est envoyé au transmetteur rond (B) (ou antenne)
– Puis il est transmis au décodeur à travers la peau (C).
Le décodeur décode le code.
Les électrodes (4) stimulent le nerf à différents endroits
– Les informations sont envoyées au cerveau grâce au nerf auditif (4).

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LE BILAN AVANT L’OPÉRATION

Le bilan médical

Un examen des oreilles va éliminer une otite chronique évolutive avec écoulements d’oreille.
L’audiogramme complet va permettre d’apprécier l’état de votre audition et d’évaluer la réelle efficacité de votre prothèse auditive classique si vous en portez une.
Une visite chez votre audioprothésiste vous sera demandée si votre dernier contrôle est ancien.
Les potentiels évoqués auditifs (PEA) vont objectiver de façon certaine l’importance de votre surdité.
L’examen des vestibules va permettre de s’assurer de leur intégrité. Le vestibule participe à la perception de l’équilibre du corps, et est logé au niveau de l’oreille interne comme la cochlée. Certaines pathologies de l’oreille peuvent les détruire, c’est pourquoi leur examen est important car il va être un des éléments qui aideront le chirurgien à choisir le côté à implanter. Cet examen peut provoquer un vertige passager.

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L’imagerie médicale

La tomodensitométrie (scanner/TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont deux examens indispensables et réalisés par les radiologues.
Les images obtenues de vos oreilles internes vont permettre de visualiser l’anatomie de la cochlée, et d’informer le chirurgien avant l’intervention d’une éventuelle malformation ou de l’ossification secondaire de l’oreille interne.
Ces examens ne sont pas douloureux, mais peuvent parfois être longs.

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Le bilan orthophonique et psychologique

Il se déroule sous forme de plusieurs entretiens au cours desquels vous pourrez évoquer votre surdité : Depuis quand êtes-vous sourd ? Quelles sont les répercussions de la surdité sur votre vie familiale, professionnelle, sociale ? Par quel biais et pourquoi l’implant s’est-il inscrit comme projet dans votre vie ?
Une information précise vous amènera à poser toutes les questions qui vous viennent à l’esprit, à exprimer vos doutes, vos craintes, mais aussi vos espoirs…
Ces rencontres vont permettre de mesurer vos attentes, et d’évaluer votre motivation et votre capacité, ainsi que celles de votre entourage, à vous engager dans le travail de rééducation nécessaire après la pose de l’implant cochléaire.
Des tests seront également effectués afin de situer votre niveau de lecture labiale, votre niveau de compréhension et votre mode de communication.

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Les rencontres avec d’autres personnes implantées

Si vous le souhaitez, l’équipe pourra vous mettre en relation avec des patients déjà implantés, et ayant vécu une situation similaire à la vôtre sur le plan de la surdité.
Ces personnes sauront mieux que quiconque vous parler de leur ressenti avant et depuis leur intervention.
Il existe aussi des associations de personnes ayant bénéficié d’un implant cochléaire, dont nous vous donnerons les coordonnées si vous le souhaitez, et que vous pourrez contacter.

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L’OPÉRATION

L’hospitalisation dure entre  0 et 2 jours.
L’opération dure environ 1 heure et nécessite une anesthésie générale.
Le chirurgien opère derrière l’oreille. Cette partie doit donc être lisse et propre, c’est pourquoi les cheveux sont rasés à cet endroit qui est ensuite soigneusement nettoyé (les cheveux repoussent rapidement après l’opération).

25_figure_1

Incision et positionnement de l’implant (d’après Jackler)

Le chirurgien pose le décodeur dans l’os, sous la peau, derrière l’oreille. Puis il pose le porte-électrodes dans la cochlée.

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Incision cutanée et périostée (d’après Jackler)

25_figure_3

Réalisation de la loge sous-cutanée (d’après Jackler)

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Réalisation d’une tympanotomie et d’une cochléostomie (d’après Jackler)

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Mise en place de l’implant (d’après Jackler)

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Mise en place du porte-électrodes (d’après Jackler)

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Mise en place du porte-électrodes 2 (d’après Jackler)

25_figure_12

Sécurisation de l’implant et fermeture (d’après Jackler)

Au réveil, vous aurez un gros pansement sur la tête. Il s’agit d’un pansement compressif limitant l’œdème, et qui sera vérifié plusieurs fois par l’équipe soignante.
Des vertiges pourront apparaitre, mais ils s’estompent pour disparaitre lors de la reprise d’une activité normale.
Quelques semaines seront nécessaires pour une cicatrisation complète, et seule une petite bosse se fera sentir derrière l’oreille.
Les parties externes ne vous seront remises que lors du premier réglage, environ quatre semaines après l’intervention.
Au réveil et jusqu’au premier réglage, vous ne pourrez donc pas entendre avec votre implant.

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LE PREMIER RÉGLAGE

Environ un mois après l’opération, les parties internes de l’implant sont prêtes à fonctionner et vont être mises en marche parle spécialiste du réglage grâce à un ordinateur.
Le processeur vocal est relié à cet ordinateur pour créer le premier programme du processeur vocal.
L’ordinateur envoie des sons pour chaque électrode. Des bips et des bourdonnements sont alors entendus. Ces bruits font partie du son codé. Parfois ils sont doux, et parfois ils sont forts. Au début, on peut penser qu’on ne fait que sentir les sons.
Pour chaque électrode, le spécialiste cherche quel est le niveau de stimulation le plus bas qui donne une première perception du son : c’est le seuil de détection. Puis, le niveau le plus fort offrant un bon confort d’écoute. Un seuil de confort doit être trouvé.
Après le premier réglage, le micro, le processeur vocal et le transmetteur (l’antenne) sont en place.
Le micro capte les sons. Les sons vont jusqu’ au processeur vocal. Le processeur vocal change les sons en un code qu’il envoie au transmetteur. Le transmetteur envoie les sons codés aux parties internes à travers la peau. Le décodeur reçoit les sons codés et les envoie à son tour aux électrodes dans la cochlée. Les électrodes transmettent les sons codés au nerf auditif. Le nerf auditif envoie le message sonore au cerveau.
Le cerveau doit apprendre à entendre avec le nouveau son codé. Au début, vous ne comprendrez pas forcément, mais avec de l’entraînement, vous apprendrez à écouter et à reconnaitre des sons différents.
Il est souhaitable pour le patient d’être accompagné lors de ce premier réglage afin qu’il puisse exprimer ses premières impressions.

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APPRENDRE A SE SERVIR DE L’IMPLANT

Découverte des nouveaux sons

Pour la personne sourde possédant un implant cochléaire, la correspondance entre un son et sa signification n’est pas évidente au départ ; Il faut réussir à associer un son et son origine. Cette association est facilitée dans les lieux calmes comme l’habitat.
Le monde des bruits est cependant rapidement accessible, tandis que celui de la parole est plus complexe.

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Le rôle de l’équipe de rééducation

Le suivi régulier de la rééducation, est une des conditions nécessaires à la réussite de l’implant.
Sa durée est variable en fonction des patients. Le travail consiste à aider les personnes implantées à repérer les nouvelles informations sonores, bruits et paroles.
Notre expérience montre que les patients qui poursuivent chez eux les exercices pratiqués avec l’orthophonique progressent plus vite.

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Le rôle de l’entourage

Il est très important tout au long de la prise en charge.
La présence d’une personne de l’entourage est préférable dans les phases d’information, de décision, d’intervention, mais aussi lors des premiers réglages. Sa disponibilité et son soutien dans la période qui suit l’intervention chirurgicale vont permettre au patient implanté de progresser plus vite. Une personne implantée sollicitée (sans excès) pour comprendre la parole fait des progrès rapidement.
Avec l’implant cochléaire, le sujet va être surpris d’entendre tous les bruits de la vie quotidienne avec une intensité nouvelle. Il va apprendre à les reconnaitre.
Entendre ne veut pas dire comprendre: le microphone de l’implant est sensible, il n’est donc pas utile de parler fort, mais indispensable d’articuler correctement, et de ne pas parler trop vite face à la personne implantée. Il arrivera cependant que celle-ci ne comprenne pas certaines personnes, ou soit gênée dans une ambiance bruyante.
L’entourage doit rester attentif à ce que la personne implantée entend et comprend.

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Les réglages

Ils ont lieu tous les quinze jours pendant quelques temps, puis tous les mois avant de s’espacer progressivement.
A la demande du patient, de l’orthophoniste, du médecin, un rendez-vous avec le spécialiste du réglage peut être décidé. Il est cependant nécessaire de faire vérifier le réglage tous les 6 mois.

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LES RÉSULTATS

L’implant peut donner une bonne sensation auditive, mais il ne peut pas restituer une audition normale. L’implant cochléaire est un appareil auditif, il ne remplace pas l’oreille. Vous resterez une personne malentendante.
Il est important de comprendre que les personnes implantées ne tirent pas toutes le même profit de leur implant cochléaire.
Les résultats dépendent des antécédents de chacun, mais ils s’améliorent au fur et à mesure que le temps passe.
Pratiquement chaque personne implantée entend les bruits environnant : circulation, klaxons, sirènes d’alarmes, sonneries…..
La personne implantée peut atteindre, parfois relativement vite, une bonne compréhension du langage.
Il est difficile de faire imaginer à quelqu’un qui n’est pas sourd quel type d’impression sonore fournit l’implant cochléaire. Au début, l’audition est différente de l’audition normale ou de celle d’une personne appareillée, pour les personnes qui ont déjà entendu, la voix est différente de la réalité. En fait, la personne implantée va aller à la découverte de nouveau bruits. Après une période de découverte, d’adaptation et de reconnaissance, les sons deviennent habituels.
On ne peut pas savoir à l’avance ce que la personne implantée entendra exactement.
Plusieurs facteurs jouent un rôle sur la rapidité avec laquelle la personne va apprendre à se servir de son implant, et sur l’étendue des avantages dont elle bénéficiera à la longue :
– état de fonctionnement du nerf auditif
– ancienneté de la surdité
– type de surdité
– degré de motivation de la personne et de son entourage
– qualité de la lecture labiale
– utilisation quotidienne du langage oral
Actuellement, il n’existe aucun test qui puisse déterminer à l’avance et avec précision comment la personne implantée améliorera sa compréhension.
L’implant permet difficilement une bonne compréhension au téléphone.
Dans les situations bruyantes (restaurants, réunions de famille, discussion de groupe….), il est difficile de suivre une conversation normalement. Écouter la radio n’est pas facile.

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INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Risques liés à l’opération

Vertiges, cicatrisation un peu longue, douleurs passagères ou insensibilité des tissus autour de l’implant, altération momentanée du goût, atteinte du nerf facial, aggravation des acouphènes (normalement réduit par l’implant cochléaire), mauvais positionnement nécessitant une opération de contrôle.
L’oreille implantée ne pourra plus être appareillée.

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Manipulation

Le matériel doit être manipulé avec précaution comme n’importe quel appareil électronique de précision : humidité, chaleur, poussière, sable, chocs sont à éviter.
Cependant, prendre un bain ou nager est possible à condition de retire la partie externe de l’implant.
Certains sports ne sont pas recommandés (sports de combat par exemple).

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Pannes

L’implant est un produit électronique, à ce titre, il n’est pas à l’abri d’un trouble de fonctionnement. En cas de panne de la partie interne, il peut être nécessaire de la remplacer.

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Aspects économiques

Pour votre information, sachez que l’implant coute environs 23000 euros.
Les frais chirurgicaux et médicaux sont pris en charge pendant l’hospitalisation.
Toutefois, comme pour toute hospitalisation, il faut s’acquitter du forfait hôtelier.
Pour tous les soins post-opératoires, certains patients bénéficient d’une prise en charge à 100% par la sécurité sociale. C’est le médecin traitant qui doit en faire la demande auprès du médecin conseil sous forme de « procédure exceptionnelle ».
L’implant est garanti contre tout défaut de construction, mais l’assurance de la partie externe est vivement conseillée.
L’entretien de l’appareil, le changement des petites pièces et des consommables, les réparations hors garanti, les révisions, piles et batteries vont engager des frais à la charge du patient.

Médecin référent au CHU dans la prise en charge de la surdité et de l’implantation cochléaire:  Pr Sylvain MOREAU